“Ahmed Zoghou a fait pour son pays ce qu’aucun chef d’Etat n’a fait pour le sien.”


Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France
Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

Aurenc Bebja, France – 20 Mai 2018

 

Le journal français Comoedia publie, le 6 septembre 1928, un article consacré aux succès de la politique menée par le roi des Albanais. D’après l’auteur, Ahmet Zogu a permis entre autres la mise en place d’une Constitution, la création d’une armée et d’une gendarmerie nationale, la construction de nombreuses routes, la création de lignes d’avion, l’aménagement des ports et l’exploitation des richesses du sous-sol.

 

Voici le texte dans son intégralité :

 

 

Le passé d’un roi

Pourquoi Zoghou Ier est aimé des Albanais

 

 

M. Ahmed Zoghou, président de la République albanaise depuis le 31 janvier 1925, vient de se promouvoir roi d’Albanie. S’il y a des couronnes qui tombent, il y en a d’autres qui poussent. Juste compensation.

 

Quand j’ai guerroyé en Albanie, c’était le pays le plus arriéré qui existât. Un beau pays, où les torrents gambadaient joyeusement auprès de montagnes géantes, un pays sympathique, aussi. Les Albanais ont toujours défendu leur langue contre l’oppression grecque ou turque. L’Albanais est loyal ; il tient par-dessus tout à son honneur. De tradition, c’est un merveilleux soldat. Ses pères se battaient à Fornoue dans les armées d’Henry III, de Maximilien, de François Ier.

 

Il est sobre. Il est courageux. Comment pourrait-on ne pas l’aimer?

 

Oui, mais, avant Ahmed Zoghou, il faut bien dire que le pays n’était pas très sûr. Ce petit organisme était infecté de microbes – les comitadjis – qui le dévoraient. Il n’y avait pas de pouvoir central. Et si d’aventure les grandes puissances se risquaient à en instaurer un, personne ne lui obéissait.

 

L’anarchie sévissait et l’on se demandait si, malgré la sympathie qu’ils avaient su inspirer et malgré leurs protestations véhémentes et légitimes, on ne serait pas obligé de partager les Albanais entre les Grecs et les Yougoslaves.

 

 

Ahmed Zoghou paraît. Et le pays est transformé.

 

 

D’abord, il établit une Constitution.

 

Deux Chambres. La Chambre des Députés, élue au suffrage universel ; le Sénat, dont le quart est désigné par le Président, le reste étant élu comme le sont les députés.

 

Le président de la République est en même temps président du Conseil, comme aux Etats-Unis. Il forme le Cabinet et est responsable devant la Chambre. Investi de ses fonctions et soucieux de sa responsabilité, Ahmed Zoghou travaille. Il fait construire des routes : celle de Durazzo à Tirana; celle d’Elbassan à Korytza; celle de Tirana à Scutari, laquelle est coupée par un pont magnifique sur le Mati.

 

La Compagnie française de Fives-Lille a, entre parenthèses, construit deux de ces ouvrages d’art, entre Durazzo et Tirana, dont elle peut s’enorgueillir.

 

A ces routes s’ajoutent celle de Berat à Tirana, récemment construite, et celle de Santi-Quaranta à Bresnitza (Santi-Quaranta – Salonique), que nous avions réparée pendant la guerre et qu’il a fait remettre en état.

 

Ahmed Zoghou fait sillonner les routes par des services réguliers d’auto-transports. Mais comme, malgré tout, les communications sont lentes, il crée trois lignes d’avions : Tirana, Valona, Korytza ; Tirana – Scutari, Brindisi, Valona.

 

Immédiatement, voici le pays redevenu sûr. Ahmed Zoghou va lui fournir outillage qui permettra les échanges. Il fait aménager le port de Durazzo. Une société albanaise est fondée pour produire l’énergie hydroélectrique nécessaire à l’activité de la ville. Un chemin de fer – le premier dans ce pays – est construit entre Tirana et Durazzo ; il est maintenant prolongé jusqu’au port de Valona.

 

Et puis, le président fait méthodiquement, mais avec énergie, exploiter – enfin – les richesses du sol : le cuivre de la région de Pouka, le pétrole d’Elbasan et de Valona, dont quatre sociétés – une française, une italienne, une anglaise, une américaine – se partagent l’exploitation; les pêcheries du golfe de Valona, qu’une société française a affermées ; les perles du lac d’Ochrida, les petits chevaux de la plaine de Muckra, qui sont renommés pour leur endurance et dont la vente aux pays voisins est une source de profits importants pour l’Albanie.

 

Les industries anciennes – savonneries, raffineries d’huile, fabriques de tabac et d’alcool – sont protégées ; la culture des céréales et de la vigne, développée. Et comme un pays qui s’organise excite les convoitises et qu’il faut inspirer la crainte en même temps que l’admiration, Ahmed Zoghou crée une armée et une gendarmerie. Des officiers italiens et anglais se chargent  d’organiser l’une et l’autre. L’ensemble des forces en armes atteint à peu près vingt mille hommes.

 

Ahmed Zoghou a fait pour son pays ce qu’aucun chef d’Etat n’a fait pour le sien. On a dit qu’il n’en avait fait qu’une colonie italienne… Quelle erreur ! Est-ce que le patriotisme albanais le permettrait ? A la vérité, l’Albanais, comme tous les pays qui se développent, fait exploiter ses richesses par des sociétés étrangères. Mais les concessions ne sont données qu’à l’adjudication et il n’y a qu’en cas d’égalité d’offres que les Sociétés italiennes l’emportent.

 

Pierre CHANLAINE.

 

 

Source : https://www.courrierdesbalkans.fr/Ahmed-Zoghou-a-fait-pour-son-pays-ce-qu-aucun-chef-d-Etat-n-a-fait-pour-le-sien

 

 

Publié en version albanaise : https://www.darsiani.com/la-gazette/comoedia-1928-ahmet-zogu-ka-bere-per-shqiperine-ate-qe-asnje-kryetar-shteti-nuk-ka-bere-deri-tani-per-vendin-e-tij/