Un entretien avec le roi Zog, à Tirana (Le Matin, 1935)


Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France
Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

Par Aurenc Bebja, France – 22 août 2018

 

Le mercredi, 19 juin 1935, le journal français Le Matin publiait, un entretien exclusif d’un conseiller municipal de Paris, Alex Biscarre, avec le roi Zog, réalisé au palais royal de Tirana. Qu’ont-ils pu échanger lors de ce rendez-vous 

 

Voici, ci-dessous, le texte dans son intégralité :

 

Impressions d’Albanie

Un entretien avec le roi Zog I

par Alex Biscarre

(Conseiller municipal de Paris)

 

Des traits d’une très  grande régularité, un front large et un regard franc et net, et toute la douceur orientale. Grand et mince, sans geste, avec une certaine froideur, Zog I ier, roi des Albanais, me reçoit dans son palais fleuri de Tirana, entouré de jardins de roses.

 

Ce pur fils de l'Albanie, enfant de la montagne, règne surtout par son travail. Son dévouement, son esprit de sacrifice lui ont conquis son peuple.

 

Alors que, jours et nuits, les bruits du dehors arrivent jusqu'au palais, le roi, dans l'isolement d'un vaste cabinet de travail, lit, étudie et voit lui-même tous les rapports de ses ministres.

 

Sa méthode est muette, pas de grande proclamation, pas de geste théâtral, pas de communiqué emphatique. Le souverain n'a de contact avec personne et ne vit qu’entouré de ses sœurs, de son neveu, tandis que deux autres de ses neveux suivent les cours de Saint-Cyr, en France. La cour est en deuil depuis la mort récente de la mère reine.

 

Pour accéder au palais et être reçu en audience, il est indispensable de s’assurer de toute la diplomatie de notre ministre à Tirana, M. Marcel Ray, et l’obligeante courtoisie de M. Rrok Stani, chef du protocole. Il faut aussi passer par l’adjutantur, maison militaire où 1e roi me fait accompagner d'une personnalité de la cour.

 

De sa grande taille, le roi répond à mes salutations rituelles. Il me tend une main longue et fine et m’offre une cigarette. Ses premiers mots sont pour me dire :

 

- Je suis très heureux qu’un grand journal français veuille s’intéresser à l'Albanie. Vous serez, ici, à même de juger, des efforts d'un pays nouveau venu au modernisme.

 

Le souverain poursuit :

 

- Je cherche le concours bienveillant de mes voisins car, au point de vue extérieur, ma politique est simple. Elle tend au grand jour à maintenir l'indépendance de l’Albanie, définitivement entrée dans le concert européen et à conserver mes frontières immuables.

 

- Vos frontières protègent, Sire, un pays délicieux que je m’efforcerai de faire mieux connaître aux Français.

 

- Dans ce but, me répond le souverain, j'ai vu se créer avec satisfaction un office du tourisme, mais j’ai le désir de voir multiplier les routes touristiques et les petits chalets à la disposition des visiteurs. En connaissant mieux notre pays, on l’aimera plus.

 

Et le roi Zog 1èr me confie encore :

 

- Je veux, pour nos nationaux, continuer à suivre les efforts des professeurs français du lycée de Kortcha. L’instruction française développera les sentiments que nous nourrissons depuis que les Albanais combattirent et s’engagèrent pour la France.

 

Le roi fait allusion à la création du premier, mouvement d'indépendance, précédé d’enrôlements volontaires, que les troupes de Sarrail créèrent eu 1917 à Kortcha, alors Goritzia.

 

Il ajoute :

 

- J’ai encouragé la création de lignes aériennes et l’on peut, en quelques heures, aller de Tirana à Rome et de Rome à Paris.

 

Puis le souverain s’enquiert des villes que j’ai visitées, satisfait de voir l’intérêt qu’elles présentent. Il s’est efforcé de les réunir toutes par des routes et, en manière de conclusion, m’invite à revenir dans deux ou trois ans pour constater les nouveaux progrès accomplis.

 

 

Source : https://www.courrierdesbalkans.fr/L-entretien-du-conseiller-municipal-de-Paris-avec-le-Roi-Zog-a-Tirana-Le-Matin

 

Article publié également en albanais : https://www.darsiani.com/la-gazette/le-matin-1935-intervista-e-keshilltarit-bashkiak-te-parisit-me-mbretin-zog-mbi-zhvillimin-e-shqiperise/